Vernet Horace Ascension du Vésuve
Horace Vernet (1789-1863)

Ascension du Vésuve, vers 1820

Huile sur papier marouflé sur toile, H. 0.55 m ; L. 0.43 m

Provenance : Collection privée

Célébrissime au XIXe siècle pour ses tableaux de batailles, ses sujets orientalistes et ses portraits, Horace Vernet fait partie de ces peintres qui, comme son gendre Paul Delaroche ou encore Ary Scheffer, oscillent entre romantisme et réalisme.

Peintre de portraits et d’histoire, Horace Vernet (1789-1863) est issu d’une famille d’artistes renommée. Joseph, son grand-père, était le très célèbre peintre de marines, protégé de Louis XV. Carle, son père, adepte à ses débuts de peinture néoclassique, fut l’auteur de scènes de bataille. Catherine-Françoise Moreau, sa mère, était fille de Moreau le jeune, dessinateur et graveur du Cabinet du roi sous Louis XVI.

Il reçoit une éducation passablement chaotique en raison des évènements politiques et des aléas de la carrière de son père, qui l’inscrit momentanément chez David, avant de le recommander à Géricault dont il partage la passion pour les chevaux. Cela explique son caractère très indépendant et son mépris pour une certaine tradition académique, qui l’empêche d’ailleurs de remporter le prix de Rome en 1810.

Un succès précoce au Salon

Vernet épouse cette même année Louise Pujol, rencontrée probablement chez Isabey, qui, à défaut de fortune, avait reçu une éducation parfaite et jouissait d’un réseau de relations. Les La Ferronays, par exemple, seront ainsi très utiles à la carrière d’Horace.  Il acquiert dès cette époque une véritable clientèle et fait ses débuts au Salon de 1812, où il est remarqué par Jérôme Bonaparte, frère de Napoléon et roi de Westphalie, qui lui passe alors commande d’un portrait équestre.
Le style de jeunesse d’Horace Vernet, entre 1814 et 1830, est à mettre dans le contexte des réalisations de ses contemporains Géricault et Delacroix qui, sous la Restauration, donnent sa plus parfaite expression à leur art. Les tableaux qu’il peint à cette période sont tout à fait dans la ligne de la génération romantique. Selon Robert Rosenblum,((Robert Rosenblum, cat. exp. Horace Vernet (1789-1863), mars-juillet 1980, Académie de France à Rome, ENSBA Paris, Rome, 1980, p. 16.)) Vernet assemble animaux, paysages et personnages avec une énergie baroque et exubérante qui donne l’impression de voir ressusciter les traditions rubéniennes pleines de vigueur à des fins romantiques. Avec sa touche pleine de frémissement et de vitalité, Vernet sait imprégner ses tableaux de couleurs vibrantes et chaudes. Ses œuvres sont toujours soutenues par un vif sens de la narration. Il s’adonne un moment au paysage précisément à cette époque.

Après 1830, Horace Vernet s’oriente vers un art plus naturaliste, donnant une description précise de la Terre Sainte (Agar et Abraham, Nantes, musée d’Arts). Il se démarque alors nettement du style plus large et plus brossé de Delacroix, en représentant des scènes avec une précision très peaufinée.

De nombreuses commandes officielles

Malgré son opposition à la Restauration, Horace Vernet reçoit des commandes du roi Charles X, dont des plafonds peints pour le musée du Louvre et le Conseil d’État. Il est également nommé en 1828 directeur de l’Académie de France à Rome, où il instaure une vie brillante dès son arrivée. Il y reste avec sa femme et sa fille jusqu’en 1834. De retour à Paris, il devient professeur à l’Académie des Beaux-Arts et le roi Louis-Philippe fait de lui l’un des principaux décorateurs du musée d’Histoire de France à Versailles. Ses tableaux de grand format, représentant des batailles du premier Empire et surtout les combats de la campagne d’Algérie, comptent parmi les toiles les plus populaires de la peinture française.

L’art de Vernet est en outre fondamental pour le développement de l’orientalisme en France. Accompagnant l’armée française sur les champs de bataille comme chroniqueur officiel ou voyageant seul, il se rend en Algérie, en Syrie, en Palestine, en Turquie et en Russie. Faisant preuve d’une grande curiosité, voyageur infatigable, parfois chargé de missions diplomatiques auprès du pape ou du tsar, Vernet est surtout à la recherche d’une vérité toujours plus aiguë.

Peintre officiel de plusieurs régimes politiques successifs, Vernet achève sa carrière comme peintre officiel du Second Empire. Toute une salle lui est consacrée lors de l’Exposition Universelle de 1855. À l’instar de Delaroche et de Scheffer, Vernet fait ensuite partie des artistes que défend la galerie Goupil, par ailleurs éditeur d’estampes important. Il bénéficie ainsi d’une promotion internationale par le biais des succursales de la galerie, relayée par la presse artistique.

Un grand évènement

Notre tableau est l’esquisse de l’Ascension du Vésuve, présenté dans l’atelier de l’artiste en 1822 au cours de l’une des premières expositions privées organisées par un artiste, en opposition au Salon. Il date de son premier voyage à Rome, entrepris entre janvier et juin 1820 en compagnie de son père, au cours duquel ils visitent Naples((Michallon rencontre les Vernet père et fils à Rome en février 1820. Il écrit dans une lettre datée du 17 février 1820 à Émile de l’Espine (musée du Louvre, département des Arts graphiques) : « Il y a quelques jours, j’ai eu l’occasion de me trouver avec ces messieurs Vernet […]. Ils sont partis hier pour Naples où ils resteront très peu de temps. »)). Ils assistent le 21 février 1820 à l’éruption du Vésuve qui produit une colonne de vapeur d’une grande variété de couleurs dépassant le cratère d’environ 15 mètres. La nature sauvage et troublante du volcan offre un sujet parfait pour un artiste de l’époque romantique, quand les paysages calmes et maîtrisés par l’Homme commencent à perdre leur attrait. L’immensité et la force grandiose de la nature devient alors source d’émerveillement. De retour à Paris, Vernet, bonapartiste convaincu et sympathisant de l’opposition libérale contre les Bourbons – son atelier devient le lieu de rendez-vous de nombreux opposants – se voit refuser sept de ses tableaux au Salon de 1822, non pas pour leur qualité picturale, nullement mise en cause, mais pour leurs thèmes antiroyalistes. Audacieux, il organise alors une exposition de ses œuvres et de quelques autres dans son vaste atelier du quartier de la Nouvelle-Athènes. Il y présente – sans but lucratif comme le précise le catalogue – 45 de ses toiles, parmi lesquelles le tableau final de notre Ascension du Vésuve((Huile sur toile, H. 0,92 m ; L. 0,73 m, dont on connait deux versions : Rome, Galerie Alberto di Castroet Houston, Museum of Fine Arts, l’une des deux exposée par Horace Vernet dans son atelier en 1822.)). L’évènement suscite un énorme intérêt et donne lieu à une publication par deux auteurs très en vogue, Étienne de Jouy et Antoine Jay, qui commentent ainsi l’Ascension du Vésuve :

« […] Horace Vernet […] s’est approché du cratère ; il a conduit le spectateur jusqu’à l’ouverture du foyer souterrain. Son tableau représente cette bouche terrible creusée au sommet de quelques roches arides et calcinées. De là s’échappe, non une flamme légère et volatile, mais une flamme dense, épaisse, forte, et, pour ainsi dire, solide ; si l’enfer a une entrée, ce ne peut être que celle-là ! Que ce volcan est magnifique dans sa fureur ! Que ces torrens [sic] de feux sont beaux et terribles ; que la nature est stérile autour de ce gouffre enflammé ! Tel est le despotisme, dans les régions malheureuses où il domine ; il fait payer bien cher sa pompe aride et sa désastreuse magnificence. Le grand effet de ce tableau tient à l’opposition si pittoresque du ciel d’Italie, de la fournaise qui occupe une si grande partie du tableau, et de l’horreur sombre du paysage. Parmi quelques voyageurs qui gravissent le formidable rempart du cratère, on remarque M. Horace Vernet lui-même. Cette production de l’artiste est peut-être celle qui rappelle de la manière la plus frappante le pinceau de son aïeul Joseph Vernet. Personne n’a porté plus loin que ce dernier l’art de reproduire les tons et les couleurs de la nature avec une énergie qui n’exclut pas le fini du travail. Ce sont précisément les caractères qui distinguent la Vue du Vésuve. »((Étienne de Jouy, Antoine Jay, Salon d’Horace Vernet : Analyse historique et pittoresque des quarante-cinq tableaux exposés chez lui en 1822, Paris, 1822, n° XII, Vue du Vésuve, p. 72-74.))

Notre tableau témoigne de la multitude des genres picturaux traités par l’artiste, infatigable travailleur qui excelle non seulement dans les « grandes machines » – tableaux de grand format représentant souvent des batailles – mais aussi dans les portraits et, comme ici, dans les paysages romantiques. En effet, le paysage n’occupe qu’une place négligeable dans son œuvre peint ; mais dans les années 1820, avant d’être accaparé par les commandes officielles, l’artiste exécute plusieurs paysages imprégnés d’un sentiment romantique devant la nature grandiose.



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