Intérieur de l'église Saint-Laurent-Hors-les-Murs, à Rome
Léopold Robert (1794-1835)

Intérieur de l’église Saint-Laurent-Hors-les-Murs, à Rome, 1818

Huile sur toile marouflée sur panneau., H. 0.48 m ; L. 0.37 m

Provenance : Collection Louis-Simon Auger Collection Paul Barroilhet Sa vente, le 12 mars 1855, lot 52, Intérieur de l’église Saint-Laurent hors les murs de Rome, H. 46 cm ; L. 35 cm, 3.500 fr.
Collection André Cottier.

Bibliographie :
  • BLANC, Charles, préface au Catalogue des tableaux de l’école française moderne composant la collection de M. Barroilhet, catalogue de vente, Me Pouchet, 12 mars 1855, p. 14-15.
  • GASSIER, Pierre, Léopold Robert, Neuchâtel, Ides et Calendes, 1983, p. 278.

Léopold Robert intégre à l’âge de dix-sept ans l’atelier de Jacques-Louis David, puis à l’exil de ce dernier en 1816, rejoint celui du baron Gros. N’ayant pu concourir au prix de Rome en tant que citoyen d’une province alors fraîchement rattachée à la Suisse, il parvient à se rendre à Rome en juillet 1818 grâce à l’intervention généreuse du mécène Roulet de Mézerac, afin de compléter ses études. Fasciné par la Ville Éternelle, il y demeure pendant treize années, au cours desquelles il perfectionne sa technique et puise une inspiration nouvelle dans la vie quotidienne italienne. Rome est alors en ce début du XIXème siècle un foyer artistique attirant les jeunes artistes de toute l’Europe dont le côtoiement crée une riche émulation.

C’est au cours des premières années de son séjour romain qu’il peint plusieurs vues intérieures d’églises, souvent prétextes à des scènes de genre à caractère religieux. Il dépeint ainsi le cloître de l’Ara Coeli, Saints Côme et Damien, l’Intérieur de la sacristie de Saint-Jean-de-Latran (Genève, Musée d’Art et d’Histoire), Saint-Paul-hors-les-murs, et ici Saint-Laurent-hors-les-murs. Celle-ci est l’une des basiliques mineures de Rome, dont la construction débutée sous le règne de l’empereur Constantin sur le site présumé du martyre de saint Laurent se poursuivit sous le pape Pélage au VIème siècle, période dont subsiste encore le chœur et les colonnes aux beaux chapiteaux corinthiens que l’on peut admirer dans le tableau.

Marqué par le style de François-Marius Granet, de vingt ans son aîné, Robert oriente sa peinture vers un genre qui connaît alors une vogue croissante au cours du premier quart du XIXème siècle : la représentation de cloîtres, intérieurs d’églises, sacristies ou couvents, et dont les effets de contre-jour très poussés annoncent le romantisme. L’artiste reprend ici un schéma de composition classique, avec les figures repoussoirs au premier plan, la perspective savante du carrelage avec les diagonales fuyant vers une percée matérialisée par une porte au fond du tableau, et la lumière douce pénétrant par la fenêtre de gauche. La quiétude du lieu saint est à peine distraite par la présence de quelques personnages, en costume typique romain, et qui suggèrent la simplicité de mœurs et la dévotion populaire répondant à l’image traditionnelle que s’en font les artistes. Ce point de vue avait déjà été traité à l’identique par le peintre Christoffer Wilhelm Eckersberg trois ans auparavant, et dont une version est conservée à la Hirschsprung Collection de Copenhague.

Ces scènes de genre connaissent alors une réception favorable auprès d’une clientèle aisée. C’est ainsi que ce tableau est acquis par Louis-Simon Auger, journaliste, critique littéraire et auteur dramatique, élu à l’Académie Française en 1816, dont il devient le secrétaire perpétuel en 1826. Par la suite, Robert délaisse ce genre pour se consacrer aux sujets en plein-air que lui inspire la campagne romaine, et dont la réception favorable aux Salons lui vaut la reconnaissance officielle de l’Etat, concrétisée par l’obtention de la croix de la Légion d’honneur en 1831.

Notre tableau suscita l’admiration du critique d’art Charles Blanc qui lui consacra un paragraphe dans la préface au catalogue de la vente de la collection du baryton Paul Barrhoilet. « En désespoir de cause, si vous n’étiez pas à la veille d’une vente publique, je vous conjurerais d’en distraire au moins l’Intérieur d’Eglise de Léopold Robert. Je sais que M. Auger, l’académicien, l’acheta au peintre lui-même, à Rome, et que le tableau représente une des nefs de la basilique de Saint-Laurent hors des murs. Ce tableau est comme un Pierre de Hooghe, mais grave, héroïque, et d’une tristesse solennelle, bien qu’il soit inondé de lumière. Un prêtre dit la messe à une chapelle solitaire ; pas d’autres assistants que deux figures effacées dans l’ombre du premier plan. Ces deux figures servent de repoussoir et font fuir la nef jusqu’à la porte de l’église, donnant sur la campagne de Rome, à perte de vue. Il me semble que lorsqu’il peignit cette église silencieuse, l’artiste était gagné déjà par la mélancolie qui le fit mourir. »