Chassériau Théodore, Marie Stuart jurant la vengeance
Théodore Chassériau (1819-1856)

Marie Stuart jurant la vengeance, vers 1849

Huile sur toile, H. 0.65 m ; L. 0.55 m

Cachet en cire rouge de la vente Chassériau au verso

Provenance : Vente Chassériau, 16 mars 1857, no. 16 (Marie Stuart jurant la vengeance)
Otto Skaller, Berlin
Vente Berlin, Paul Graupe, 13 novembre 1930, no. 3
Vente Berlin, Internationales Kunst-und Auktionshaus, 2 février 1932, lot 356
Probablement vente Chassériau, Paris, 14 juin 1944 (Portrait de Mlle Alice Ozy)
André Derain, Chambourg
Vente Galerie Charpentier, Paris, Collection André Derain, 22 mars 1955, lot 63, Alice Ozy dans le rôle de Marie Stuart. Peint en 1845 (invendu)
Vente, Hôtel Drouot, Paris, 24 juin 1955 (75000 francs)
Collection Claus Virch, New York
Collection particulière

Bibliographie :

Théophile Gautier, « Atelier de feu Théodore Chassériau », L’Artiste, VIe Série, XIII, 15 mars 1857, p. 211 (cité parmi les œuvres les plus importantes : Marie Stuart jurant la vengeance).

Valbert Chevillard, Un peintre romantique, Théodore Chassériau, Paris, 1893, no. 138.

Marc Sandoz, Théodore Chassériau 1819-1856, catalogue raisonné des peintures et estampes, Paris, 1974, p. 216, no. 104 (Marie Stuart Jurant La Vengeance ou Portrait de Mlle. Alice Ozy) , comme localisation « non connue (se trouverait aux Etats Unis) ».

Louis-Antoine Prat, « Théodore Chassériau : œuvres réapparues », Revue de l’Art, no. 125, 1999, p. 71-74.

Lors de la publication en 1974 du catalogue raisonné de Chassériau par Marc Sandoz(1).)), la localisation exacte de notre tableau restait inconnue, l’auteur supposait une collection privée aux Etats-Unis. En 1999, Monsieur Louis-Antoine Prat(2)-74.)) a pu identifier et publier le tableau, précisant son lien avec des croquis dans un carnet de dessins conservé au Louvre. Ces dessins, sans doute pris devant des acteurs sur une scène de théâtre, évoquent l’époque de Marie Stuart. Au folio 3 verso se trouve un dessin qui est en lien avec le costume de Marie dans notre tableau. Une étude au folio 5 verso montre le luth de Riccio abandonné à terre. Il est probable que Chassériau ait assisté à une représentation de Marie Stuart de Schiller au Théâtre français en 1845. L’actrice Alice Ozy (1820-1893), l’amante de Chassériau à partir de 1849, a-t-elle pu incarner Marie Stuart comme l’affirme Marc Sandoz ? Il paraît que la jeune actrice, amie de Théophile Gautier, qui allait plus tard la présenter à Chassériau, est encore sous contrat avec le Théâtre du Vaudeville jusqu’en 1847. Mais il est tentant de retrouver dans la Marie Stuart de notre tableau, les traits de l’actrice, que l’on distingue aussi sur Baigneuse endormie près d’une source (1850) du musée Calvet à Avignon.

La scène représentée ici ne figure pas dans le drame de Schiller, qui se concentre sur la fin tragique de Marie Stuart, ni d’ailleurs dans l’opéra Marie Stuart de Donizetti, créé à Paris en 1845. Chassériau est sans doute stimulé par toutes ces représentations, mais la source à laquelle il a puisé pour imaginer concrètement ce tableau reste inconnue.

Notre tableau reflète la réalité historique de cette princesse catholique, qui avait été l’épouse de François II et la reine de France pour une seule année (1559-1560), avant de devenir reine d’Ecosse. Marie Stuart doit faire face aux pires difficultés dès son arrivée dans son nouveau royaume : fanatisme du pasteur John Knox, hostilité des anglicans, agitation nobiliaire, complots fomentés contre elle par Elisabeth Ière d’Angleterre qui craigne qu’elle ne fasse valoir ses droits à la couronne britannique. En 1561, Marie Stuart refuse la main du duc de Ferrare, dont l’ambassadeur dépité lui laisse après son départ un musicien qui l’amusait, David Riccio. Après l’échec d’un autre projet de mariage avec Don Carlos, fils de Philippe II d’Espagne, elle finit par épouser son propre cousin Lord Darnley. Riccio, qui prend le rôle de conseiller secret, soutient cette union. S’avérant vite un époux aigri, ivrogne et coureur, Darnley se voit peu à peu rejeté par Marie. Il planifie alors, avec le concours des lords protestants, de faire assassiner Riccio. C’est l’épisode représenté ici : le 9 mars 1566, les conjurés font irruption dans la salle où Marie dîne avec son favori et quelques dames de compagnie, et mettent à mort Riccio sous les yeux de la reine. Les assassins viennent de quitter la pièce. On distingue encore les jambes de deux d’entre eux à l’extrême gauche, montant les degrés d’un escalier.

Monsieur Louis-Antoine Prat rapproche notre tableau de certaines petites toiles rapidement brossées, datant d’autour de 1850 : La Toilette de Desdémone du musée de Strasbourg, La Mort de Roméo et Juliette du musée du Louvre. Il suppose une réutilisation tardive du carnet du Louvre et propose de dater notre tableau de vers 1849.

  1. Marc Sandoz, Théodore Chassériau 1819-1856, catalogue raisonné des peintures et estampes, Paris, 1974, p. 216, no. 104.[]
  2. Louis-Antoine Prat, « Théodore Chassériau : œuvres réapparues », Revue de l’Art, no. 125, 1999, p. 71-74.[]
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