Mélancholie, 1899.
Sculpture en marbre de Carrare., H. 0.54 m ; L. 0.39 m ; P. 0.29 m
Signée en bas à gauche sur le socle : G Minne.
Provenance : Collection Léon Stevens-Boone, Gand.
Initialement attiré par l’architecture, George Minne suivit ensuite l’enseignement des sculpteurs Théodore Canneel et Louis Van Biesbroeck à l’Académie Royale des Beaux-Arts de Gand de 1879 à 1886. C’est en 1890 qu’il exposa pour la première fois aux Vingt à Bruxelles. Deux ans plus tard, il participa au Salon de la Rose-Croix organisé par Sâr Péladan et profita de ce séjour parisien pour rendre visite à Rodin dont il admirait l’œuvre. Il s’installa ensuite à Bruxelles de 1895 à 1899, afin de s’inscrire à l’Académie où il suivit les cours de Charles Van der Stappen. L’œuvre de Minne fut remarquée à la Sécession de Berlin puis à Vienne par Klimt, Schiele et Kokoschka. Ses sculptures retinrent l’attention et lui valurent d’être également invité aux expositions internationales de Munich et de Paris. Ce n’est qu’après 1900 qu’il s’installa définitivement à Laethem-Saint-Martin et enseigna à l’Académie de Gand.
La force émotionnelle de ses ouvrages fut saluée par les symbolistes belges tels que Maurice Maeterlinck et Grégoire Le Roy, dont il illustra les recueils poétiques en 1889, ainsi que par Emile Verhaeren : ils voyaient en effet dans l’œuvre du sculpteur l’expression de leur propre vision de la vie marquée par la résignation et le fatalisme. C’est ainsi qu’aux yeux de son compatriote Verhaeren « Minne incarnait des sentiments d’incertitude et d’angoisse dans des figures oniriques, des êtres primitifs ou des figures nées quelque-part en dehors de notre réalité ». C’est pourquoi « ses personnages sont presque en dehors de ce qu’il est possible d’être […] ils viennent et vont vers les au-delà où seule l’Idée peut habiter ». Cette dernière remarque semble particulièrement adaptée pour cette sculpture aux accents intemporels.
Celle-ci incarne parfaitement les valeurs du courant symboliste auquel se rattache l’œuvre de Minne. Par le biais de cette figure féminine empreinte de mystère, l’artiste aborde le sujet de la mélancolie, thème cher aux symbolistes qui aimaient à privilégier l’expression des états d’âme. Par sa clarté et sa simplicité formelle, associées au caractère introverti d’une figure méditative, Minne se rapproche ici de la conception intériorisée de Pierre Puvis de Chavannes, excluant toute idée de pathos. Sa recherche de sobriété trouva quant à elle sa pleine expression dans ses variations autour du thème de l’adolescent, dont le Porteur d’Outre et Agenouillé à la fontaine, tous deux conservés au Musée d’Orsay, ou encore La Solidarité – Deux hommes dans un bateau (Nouvelle Pinacothèque de Munich). Cette importance accordée à la ligne, à la plénitude des volumes confèrent à son œuvre une monumentalité quasi-architecturale. Aussi l’écrivain Fierens-Gevaert concluait-il que « sa sculpture ne réaliserait sa complète valeur expressive qu’unie à l’architecture ». C’est le cas de son imposante Fontaine des Agenouillés (Musée Folkwang, Essen, Allemagne), chef-d’œuvre incontestable de la sculpture symboliste.