Moïse sauvé des eaux, 1651-1652
Huile sur toile, H. 0.45 m ; L. 0.56 m
Signée en bas de la colonne à droite : C Poerson. In.
Provenance : Collection privée, France.
Originaire de Lorraine, Charles Poerson reçoit sa formation de Jean Leclerc (1587-1632/33) à Nancy. La ville, qui bénéficie alors d’une grande activité artistique, accueille entre autre les ateliers d’Israel Henriet (1590-1661), de Jacques Bellange (1575-1616/38), de Georges Lallemant (1575-1635) et de Claude Deruet (1588-1662). Malgré cette effervescence, Poerson quitte sa région natale pour Paris et entre dans l’atelier de Simon Vouet où il reste de 1634 à 1638 environs. Il commence alors une brillante carrière et, travaillant aux côtés d’Eustache Lesueur, il participe aux décors de l’hôtel Guénégaud, de l’Arsenal, du Palais Royal, des appartements d’Anne d’Autriche au Louvre. Ses tableaux d’autels lui valent deux commandes des orfèvres de Paris, en 1642 et 1653, pour les May de Notre-Dame . En 1651, Poerson devient membre de l’Académie royale de peinture et de sculpture et, en 1659, il devient son recteur, remplaçant Charles Le Brun.
Entre 1645 et 1660 environs, Poerson fournit les modèles pour plusieurs grandes tentures de tapisseries, étudiées en détail par Madame Nicole de Reyniès . La tenture Histoire de Moïse comprenait huit pièces et a été tissée probablement cinq fois. On en connaît aujourd’hui une vingtaine de tapisseries, dont deux représentent Moïse sauvé des eaux.
Au XVIIIe siècle, l’attribution à Poerson semble avoir été oubliée. Il fallut attendre l’étude de Wauters en 1878 qui publia une partie du manuscrit des ateliers Leyniers, célèbres liciers flamands, pour apprendre que le modèle était dû à « un artiste français dont le nom s’est perdu ». Par rapprochement avec d’autres œuvres de l’artiste mais surtout par la mention dans son inventaire après décès de deux tableaux représentant Moïse (dont un Moïse frappant le rocher), il devint plus aisé d’avancer le nom de Poerson. La découverte en fin du modello pour Moïse frappant le rocher (non signé) posa un nouveau jalon dans la découverte de l’auteur des tapisseries.
Notre tableau est la deuxième découverte importante concernant ce cycle. Totalement inédit, il permet, avec ses nombreux repentirs attestant du travail de recherches de l’artiste, mais surtout par sa belle signature, d’attribuer de manière définitive la paternité de L‘Histoire de Moïse à Charles Poerson.
La composition de notre tableau est proche de la fameuse tapisserie Moïse sauvé des eaux exécutée sur un modèle de Simon Vouet (Le modèle de Vouet, perdu aujourd’hui, était gravé par Tortebat en 1665, cf. Jacques Thuillier, cat. exp. Vouet, Paris, 1990, p. 504-505.). Tissée probablement dans les années 1630, cette tapisserie conservée au Louvre faisait partie de la tenture de l’Ancien Testament commandée par Louis XIII. Mais Poerson, qui quitte l’atelier de son maître vers 1638 et débute son cycle de tapisseries vers 1651/52, introduit dans sa composition une vision toute autre. Il attache plus de place aux personnages qu’au paysage, leur donnant plus de monumentalité, s’approchant ainsi de l’art de François Perrier, qu’il avait d’ailleurs côtoyé dans l’atelier de Vouet. Tandis que le personnage de la servante dans l’eau semble encore proche de l’art de Vouet, les visages des femmes à droite, en particulier de celle de profil et de celle qui se tourne vers le spectateur, font penser à Poussin.
En comparant notre modello à la tapisserie, on constate que la composition a été resserrée. La partie droite composée d’une pyramide et de deux femmes n’existe plus. Le format presque carré de la tapisserie explique ce choix de supprimer tout un pan du tableau.
Désignée par une couronne, entourée de deux servantes vêtues également à l’antique, la fille du pharaon assiste à l’arrivée de Moïse dans un couffin. La jeune femme postée à l’arrière pourrait être la sœur de Moïse venant anonymement proposer les services d’une nourrice, en l’occurrence la mère de l’enfant. A l’arrière, des colonnes et les ruines d’une pyramide ferment le paysage sur la droite. Sur la gauche au contraire, le Nil s’écoule et offre une percée vers les lointains à travers les arbres des deux rives.