Portrait d’Amélie-Justine et de Charles-Edouard Pontois, 1800
Huile sur toile., H. 0.92 m ; L. 0.73 m
Signée en bas à gauche : Adl. Romany 1800.
Provenance : Collection personnelle de l’artiste.
Resté chez ses descendants jusqu’en 2008.
T. Ch., Le nouveau Arlequin et son ami Gilles au Museum ou la vérité dite en plaisantant. Critique piquante, en vaudevilles, des tableaux, dessins, sculptures et autres objets précieux, Paris, 1800, n° 325.
De son vrai nom Jeanne-Marie Mercier, Adèle Romany était la fille naturelle du marquis de Romance, capitaine de la garde, et de Jeanne-Marie Mercier, une femme mariée. Légitimée à l’âge de neuf ans, elle adopta alors le nom de Romance, puis, une fois adulte, substitua le prénom d’Adèle à celui de Jeanne-Marie. En 1790 elle épousa le peintre miniaturiste François-Antoine Romany, dont elle eut une fille, Aglaé-Aimée. Après son divorce en 1793, elle eut deux enfants illégitimes de deux pères différents : Louise-Lucie Cosnefroy de Saint-Ange et Edmond-Jules Feline.
Adèle Romany se forma au sein de l’atelier pour femmes dirigé par l’épouse du peintre Jean-Baptiste Regnault. Elle se consacra presque exclusivement à l’art du portrait, bien qu’elle s’essaya aux scènes de genre et à la peinture mythologique ou allégorique. Elle participa au Salon de 1793 à 1833, et y exposa plus de quatre-vingt œuvres. La médaille d’or que lui accorda l’empereur à la suite du Salon de 1808 vint récompenser la prodigalité et la finesse de son talent. Sa série de portraits de comédiens destinés à la décoration de la Comédie Française, parmi lesquels on compte ceux des acteurs Fleury ou Emilie Leverd représentés dans le costume de leur rôle de prédilection, témoigne également de la faveur dont elle jouissait alors.
Notre tableau appartient à un ensemble de peintures inédit et doublement intéressant. Il offre en effet l’opportunité de compléter la connaissance de l’œuvre de l’artiste et de sa vie familiale. Dans ce double portrait, Adèle Romany a choisi de représenter non pas ses proches directs, mais les enfants de sa cousine germaine Charlotte-Marie Mercier : Amélie-Justine et Charles-Edouard Pontois. Amélie-Justine Pontois (1788-1867) épousa en 1818 Louis-Marie-Amable Laidin de la Bouterie. Quant à son petit frère, Charles-Edouard Pontois (1792-1871), il mena une carrière prestigieuse : ambassadeur de France au Brésil, aux Etats-Unis puis à Constantinople, il fut nommé grand officier de la Légion d’Honneur, et enfin pair de France, avant d’être anobli en 1839 par Louis-Philippe, devenant ainsi comte de Pontois.
L’observation de l’une des gravures réalisées par Monsaldy et Devisme, représentant les différentes salles d’exposition du Salon de 1800, nous permet d’affirmer que ce double portrait correspond au tableau présenté par l’artiste sous le numéro 325 : Portrait d’une jeune personne et de son frère. Lors de ce Salon Adèle Romany connut ses premiers succès, relayés par la critique. Un poème publié dans Le nouveau Arlequin et son ami Gilles au Museum ou la vérité dite en plaisantant témoigne de l’admiration que suscita ce portrait d’une extrême douceur :
« Air : de l’amitié vive et pure.
Le nouveau Arlequin et son ami Gilles au Museum ou la vérité dite en plaisantant
Qu’il est gentil ce frère !
Arlequin : Qu’elle est gentille sa sœur !
Gilles : J’aime beaucoup ce frère,
Arlequin : Moi j’aime encore mieux sa sœur.
Gilles : Je voudrais bien que ce frère
Devint l’ami de ma sœur.
Arlequin : Je voudrais que de mon frère
Sa sœur fut la belle-sœur.
Gilles : Je crois que nous les faisons rire. Restons un peu, ils vont sûrement nous parler.
Arlequin : Adieu charmante enfant, c’est à regret que je vous quitte (…). »
Ce portrait est caractéristique de la première manière d’Adèle Romany, alors influencée par l’enseignement de Jean-Baptiste Regnault, notamment dans la précision et la fermeté de la touche. Il met également en lumière le talent de coloriste de l’artiste ainsi que sa virtuosité dans le rendu des étoffes. Le cadre bucolique, la jeunesse des protagonistes, la pose à mi-corps et les gestes de tendresse fraternelle confèrent à cette œuvre un aspect familier et intimiste dans la droite ligne du siècle de Jean-Jacques Rousseau. Elle témoigne également de l’affection que l’artiste portait à ses modèles, et dont le pinceau s’est fait le plus fidèle traducteur.
Ce tableau figurera dans le catalogue de l’ouvrage de Monsieur Jean-François Heim sur les Salons de peinture du Consulat et de l’Empire (1800-1814) actuellement en cours de rédaction.