Portrait de Jacques Louis David, 1817
Huile sur panneau., H. 0.67 m ; L. 0.56 m
Signé en bas à droite : F.J. NAVEZ DISC.us / FACIEBAT.
Inscription autographe au verso : I.bus LUD.cus DAVID AETATIS SUAE 67 / BRUX.lis ANNO 1817. / FINI LE 27 SEPTEMBRE avant veille / DE MON DEPART POUR ROME.
Provenance : Collection privée, France.
Après une première formation à l’Académie des Beaux-Arts de Bruxelles et dans l’atelier de Pierre-Joseph-Célestin François, Navez obtient une bourse pour étudier à Paris. Ainsi, entre 1813 et 1816 il est élève de Jacques-Louis David, qu’il accompagna ensuite en exil à Bruxelles. Navez avait obtenu une prolongation de sa bourse pour un séjour à Rome, mais préférant perfectionner son art auprès de son maître David, il reste à Bruxelles pour encore près de deux ans avant de partir pour l’Italie où il passera quatre ans.
Portraitiste renommé, très apprécié par la haute bourgeoisie belge, il tenta néanmoins à son retour d’Italie de s’imposer dans la peinture d’histoire, notamment avec des tableaux religieux. Directeur de l’Académie royale des beaux-arts de Bruxelles de 1835 à 1862, il forme de nombreux artistes, dont l’orientaliste Jean-François Portaels (son gendre) ainsi qu’Alfred Stevens.
Notre portrait date de la période passée à Bruxelles avant le départ de Navez pour l’Italie. Ne bénéficiant alors d’aucune bourse, il devait gagner sa vie. Ainsi, il exécutait un grand nombre de portraits, marqués plus que jamais par l’influence de David.
En septembre 1817, dans les dernières semaines avant son départ, Navez peint plusieurs portraits de David. Sans doute pense-t-il qu’après une longue absence il pourrait ne plus revoir en vie son maître révéré. Dans une première version, conservée aujourd’hui au musée des Beaux-Arts de Valenciennes, David apparaît plus âgé que dans les autres versions, et la dissymétrie de son visage est nettement marquée. Ce tableau porte au revers l’inscription autographe suivante : «Louis David âgé de 67 ans 1er portrait fait d’après Mr David le 7 7bre 1817 celui-ci est le plus ressemblant. Mr David me fit recommencer le [lacune] D’après lequel Potrel a gravé parce que je n’avais pas dissimulé le défaut qu’il avait à la joue. Les accessoires ont été d’après celui qui est chez d’Hemptinne qui est aussi un portrait fait par moi d’après Mr David F.J. Navez.»
Dans son ouvrage consacré à Navez en 1931, Leo Van Puyvelde fait état de ces trois portraits de manière suivante : « C’est alors qu’il fait les trois portraits de son maître David : l’un est offert au Maître, l’autre est donné à Auguste de Hemptinne, le troisième passera plus tard chez Portaels. Le meilleur de ces portraits se trouve actuellement chez le baron Houtart à Monceau-sur-Sambre, un second figure au musée royal d’Art moderne à Bruxelles, le troisième fait partie de la collection Meurice-Van Gilse à Bruxelles. » (Léo van Puyvelde, François-Joseph Navez, Bruxelles, 1931, p. 7.)
Ce dernier tableau mentionné est bien la toute première version, que David avait refusée, œuvre passée dans la collection de Portaels (gendre de l’artiste), et acquise plus tard par le musée de Valenciennes. Le tableau offert à David, gravé par Potrelle, a été légué par Jules David-Chassagnol, petit-fils de David, au musée de Bruxelles.
Il n’est pas complètement exclu que notre portrait soit la version donnée à Auguste de Hemptinne, qui se trouvait en 1931 chez le baron Houtart à Monceau-sur-Sambre, et dont André Hardy ne connaissait pas la localisation en 1980 (André Hardy, « Un portrait de David par Navez », La Revue du Louvre, 1980. n° 5-6, p. 315, note 5). Mais si l’on croit l’inscription au revers de la version de Valenciennes, les accessoires de la version du musée de Bruxelles ont été peints d’après la version d’Auguste de Hemptinne, qui est donc nécessairement antérieure. Notre tableau était peint, selon l’inscription qui figure sur son dos, l’avant-veille du départ de l’artiste pour Rome, ce qui laisse penser qu’il soit le dernier de la série.
Ce Portrait de Jacques Louis David remportait un immense succès. Selon la Grande Encyclopédie, « ses meilleurs ouvrages sont le portrait de Louis David et son propre portrait ». Ainsi, suite à sa visite à l’atelier de Navez en 1836, où était visible le portait du musée de Valenciennes, le comte de Schönborn lui commande une version qui, selon le désir de l’aristocrate allemand, devait montrer les mains du modèle.
David est représenté assis, tourné de trois quarts à droite, les yeux fixés sur le spectateur. Son habit noir, orné de la croix de la Légion d’Honneur, s’ouvre sur un jabot blanc. D’une grande sobriété et dépourvue d’attributs de peintre, la figure se détache sur un fond monochrome. Navez a réussi à donner à ce portrait une ampleur et une présence impressionnantes. Par sa manière franche et forte qui s’accorde avec la tradition flamande du XVIIe siècle, Navez a su exprimer la sympathie qu’il éprouvait pour son maître.