Portrait de Marie Rose Larlan de Rochefort marquise des Nétumières, 1748
Huile sur toile, H. 1.00 m ; L. 0.81 m
Signée et datée à droite au centre : Nattier/ Pinxit.1748.
Provenance : Descendance du modèle - Comte de Legge, château de Bel-Air, Le Pertre (Ille-et-Vilaine).
Jean-Marc Nattier se forma auprès de son parrain, le célèbre Jean Jouvenet (1644-1717), en vue de devenir peintre d’histoire. Avec son frère aîné Jean-Baptiste, il suivit à l’Académie royale des cours de dessin d’après modèle vivant. En 1718, il devint membre de l’Académie en tant que peintre d’histoire. Peu après, il choisit de se consacrer entièrement à la peinture de portraits, même si Paris comptait alors déjà de nombreux portraitistes reconnus. Parmi eux figuraient Nicolas de Largillière (1656-1746) et Hyacinthe Rigaud (1659-1743), encore très en vogue parmi les artistocrates et grands bourgeois au début du règne de Louis XV pour la somptuosité de leur pinceau et la pompe souvent décorative de leurs mises en scène. Nattier reprit leur tradition et développa à la fin des années 1730 son propre style incomparable : par une gamme chromatique associant le bleu, le gris perle, le vert et le rose, et par l’usage d’une matière posée en touches légères et duveteuses qui confère un aspect un peu flou aux chairs. La ressemblance reste évidente bien que l’artiste ajoute à la beauté de ses modèles. Selon le souhait de ses clientes, il peignit des portraits historiques, allégoriques ou mythologiques, montrant par exemple les dames habillées en déesses.
En 1741, l’ambassadeur de Suède en France, Carl Gustaf Tessin, souligna combien il était devenu difficile d’obtenir un portrait du célèbre Nattier, chéri par la société française. Dans les années 1740, Nattier devint le peintre préféré de la famille royale. Il peignit les quatre filles de Louis XV, Mesdames de France, et bien sûr Marie Leszczynska, Reine de France (1748, musée de Versailles).
Quand Nattier peint ce portrait, il est au sommet de sa carrière. Il s’agit d’un portrait classique sans aucune dimension allégorique ou mythologique. L’artiste utilise le rideau de velours traditionnel et la base d’une colonne, héritée du portrait d’Antoine Van Dyck. Le traitement subtil des différents types de tissus et l’expression sensible et très vive du modèle font de ce portrait un chef-d’œuvre.
Marie-Françoise-Rose de Larlan de Kercadio (c. 1717-1787), dame de Rochefort, marquise de Nétumières est une beauté reconnue à son époque. Dans un récit de voyage du milieu du XIXe siècle, elle est citée comme l’une des plus belles dames de Bretagne.
Son mari, le marquis de Nétumières, était lié à la famille Sévigné. Avant son retour à Paris, la marquise de Sévigné (1629-1696), connue pour sa riche correspondance, vécut aux Rochers, un manoir près de Vitré en Bretagne. Au XVIIIe siècle, ce manoir est occupé par le marquis de Nétumières et Marie-Françoise-Rose de Larlan, qu’on compare alors à la célèbre marquise de Sévigné. Dans son livre sur Les Rochers , Louis Dubois écrit un poème qui, tel un hommage à son intelligence, son charme et sa beauté, décrit la manière dont elle embellit le manoir de sa présence et raconte que son élégance rappelle la célèbre Madame de Sévigné :
A madame la marquise de Nétumières
Vous qui réunissez esprit, charme, beauté ;
Vous qui n’affectez pas la sensibilité ;
Qui parez des Rochers l’élégant ermitage,
Son par si gracieux, son château si vanté,
Où tout retrace encore à notre œil enchanté
L’âme de Sévigné, ses travaux, son passage,
Daignez avec bonté recevoir mon ouvrage.
Il est bien sérieux, je n’ose le nier,
Et je crains qu’en lisant ces Recherches Nouvelles
Vous ne me compariez au grave douanier,
Chargeant d’un plomb pesant de légères dentelles ;
Mais l’indulgence est propre à votre esprit bien né ;
Mais mon hommage est dû, comme il est décerné,
A celle qui de fleurs semant aussi ses traces,
De notre illustre Sévigné
Embellit le séjour et rappelle les grâces.
(cité dans M.-C.-R. de Monmerqué, Tablettes de voyage (…), 1851, p. 35.)
Lorsque Nattier peint ce portrait en 1748, la marquise des Nétumières est âgée d’une trentaine d’années. On estime qu’elle serait née entre 1715 et 1720, tout comme son frère Jean-Anne-Vincent. La marquise avait deux sœurs, Jeanne et Thérèse, nées en 1720 et 1722. Leur père, Julien Larlan, baron de Rochefort, décéda en 1722.
Quand elle épousa le 23 juin 1735 Charles-Paul Hay, marquis des Nétumières et du Chastelet, Vicomte du Besso, seigneur du Catuélan et des Rochers (1712-1762), elle intégra l’une des plus anciennes familles de Bretagne. Elle donna naissance à trois fils – Marie-Paul, l’aîné, né le 30 janvier 1753, Jean-Paul-Elisabeth-Exupère, mort jeune, et Marie-Charles Hay, né le 8 août 1758 – ainsi que trois filles, dont les dates de naissance nous sont inconnues. Nous savons néanmoins que deux d’entre elles sont mortes en bas âge et que la troisième se prénommait Françoise-Julie-Pauline (Annuaire de la noblesse de France et des maisons souveraines de l’Europe (…), Paris, 1896, p. 303-305).
En 1750, le célèbre pastelliste suisse Jean-Etienne Liotard (1702-1789) réalisa le portrait de la marquise des Nétumières dans son atelier à Paris. En 1962, ce portrait entra dans les collections du Detroit Institute of Arts, Michigan.
(Renée Loche, Marcel Roethlisberger, L’opera completa di Liotard, Milan, 1978, no. 120 : ‘Marie-Rose de Larlan de Kercadio de Rochefort, marquise de Nétumières’, pastel sur toile, 60 x 50 cm, signée et datée ‘Liotard 1750’, Detroit Institute of Arts.)
Un portrait en miniature de la marquise des Nétumières appartient toujours à un membre de la famille. Le visage du modèle est relativement proche du portrait de Nattier, dont l’artiste aurait pu s’inspirer. La miniature porte une inscription sur son dos : « Mme La Mise / Hay des Nétumières / née Larlan de Rochefort / Mère de M. Le Cte Des / Nétumières père de Mme / La Ctesse Georges de Ferron / et Gd père de Mme / Charles Henry Hersart / du Buron. » Il semble donc que cette miniature ait appartenu à son troisième fils, Marie-Charles Hay, comte des Nétumières (1758-1839).