Portrait présumé d’Edme Bouchardon, Vers 1728-1732.
Huile sur toile, H. 0.91 m ; L. 0.77 m
Provenance : Collection privée, France.
- Olivier Michel, article sur Blanchet dans Saur Allgemeines Künstlerlexikon, t. 11, Munich, Leipzig, 1995, p. 396-397.
- Olivier Michel, « Un pittore francese a Roma, Louis-Gabriel Blanchet », Strenna dei Romanisti, 18 avril 1996, p. 467-486.
- Edgar Peters Bowron, Joseph J. Rishel, Art in Rome in the eighteenth century, cat. exp. Philadelphie et Londres, 2000, p. 327-328.
L’identification du sculpteur représenté ici avec Edme Bouchardon s’appuie sur la comparaison avec ses autoportraits. Le plus proche se trouve dans un carnet d’esquisses exécutées à Rome, aujourd’hui conservé à la Pierpont Morgan Library, New York (Carnet d’esquisses appelé le Vade-mecum, voir Cara Dufour Dension, Le dessin français. Chefs d’œuvres de la Pierpont Morgan Library, cat. exp. Paris, 1993, p. 104-106, ill. p. 105, no. 45). Trois autoportraits se trouvent au Louvre. On y reconnaît les traits assez marqués de Bouchardon : une bouche aux lèvres charnues, un nez busqué, de grands yeux aux sourcils épais et courts et un front fuyant.
Edme Bouchardon était pensionnaire à l’Académie de France à Rome de 1723 à 1732. Blanchet a pu le peindre entre son arrivée à Rome en novembre 1728 et le départ de Bouchardon en printemps 1732. Les pensionnaires se faisaient fréquemment des portraits les uns les autres.
Louis-Gabriel Blanchet est né à Versailles en 1701, fils d’un valet de chambre. Nous ne savons que peu de choses sur sa formation artistique qui s’est probablement déroulée à Paris. En 1727 Blanchet obtient le deuxième Grand Prix après Pierre Subleyras. Toutefois admis à l’Académie de France à Rome, Blanchet y est pensionnaire à partir de 1728. Il se lia d’amitié avec Pierre Subleyras et Joseph Vernet.
Blanchet fut l’un des rares artistes français du XVIIIe siècle à ne plus jamais revenir en France. Le séjour d’un peintre pensionnaire à Rome était normalement d’une durée de trois à quatre ans et Blanchet aurait dû repartir au printemps 1732, mais ce n’était qu’en novembre 1733 qu’il fut enlevé de la liste des pensionnaires. Il gardait tout de même son logement au palais Mancini car il était au service de l’ambassadeur de France à Rome, le duc de Saint-Aignan. De 1735 à 1737, Blanchet assista Pierre Subleyras dans une grande commande pour le couvent des Chanoines réguliers du Latran à Asti. (Il s’agit du Le repas chez Simon, H. 2 ,15 m ; L. 6,77 m, 1737, musée du Louvre, cf Olivier Michel, Pierre Rosenberg, Subleyras 1699-1749, cat. exp. Paris, 1987, p. 82.)
A la cour des Stuart exilés à Rome, Blanchet fréquentait les peintres anglais James Barry, James Forrester et Richard Wilson. Entre 1737 à 1739, il eut la chance de recevoir commande de plusieurs portraits de la famille des Stuart, ce qui renforçait sa réputation de portraitiste.
Blanchet resta toute sa vie étroitement lié à l’Académie de France à Rome. Jean-François de Troy, directeur de 1738 à 1751, fut un soutien important pour Blanchet, dont l’inconstance et le caractère dépensier le menaient régulièrement dans des impasses. En 1752, il fut mis en prison pour ses dettes et libéré grâce aux contributions d’amis français. Natoire, directeur de l’Académie à partir de 1752, refusa définitivement de l’aider en 1753. Ce ne fut que son mariage en 1755 avec Annunziata Dies, fille d’un orfèvre vénitien et d’une mère française, qui apporta à Blanchet une certaine stabilité économique. Il mourut à Rome en 1772.
Son intérêt pour l’art du portrait se manifesta essentiellement avant 1739 et ensuite à partir du début des années 1750 quand les touristes anglais revenaient à Rome à la suite du traité d’Aix-la-Chapelle (1748).
La peinture de Blanchet se caractérise avant tout par son élégance, sa luminosité et l’éclat des couleurs. Ce portrait nous montre son approche naturaliste et son souci de vérité. Il était un coloriste raffiné, et ses œuvres se démarquent par la luminosité de ses blancs et la richesse du traitement de peinture à l’huile. La pose quelque peu dramatique du modèle et la spontanéité de la touche confèrent à notre portrait un caractère d’immédiateté. A la différence de la plupart des portraits des Anglais du Grand Tour ou des résidents français peints dans les années 1750-1760, il émane de ce portrait un air d’intimité. Un autre exemple de portrait d’artiste peint par Blanchet dans un esprit assez proche en 1736 est celui de Giovanni Paolo Pannini (Sotheby’s Londres, 5 juillet 1995, lot 54). Par contre, les portraits de la famille Stuart datant des mêmes années, gardent, quant à eux, un caractère bien plus formel et distant.
Bouchardon, âgé d’une trentaine d’années, pose sa main droite sur la tête d’Homère, moulage du fameux antique conservé au Museo Capitolino à Rome. Rien d’étonnant à la présence de cette sculpture, tant étudiée par les pensionnaires, mais elle souligne sans doute la prédilection de Bouchardon pour l’Antiquité. Un portrait de Bouchardon datant des mêmes années, peut-être peint par lui-même, attribué aujourd’hui à Pier-Leone Ghezzi, est conservé à la galerie des Offices à Florence. Il montre le sculpteur avec le buste du baron Stosch, un portrait de l’antiquaire que par Bouchardon avait créé en 1727.
(Pour les illustrations voir fichier pdf ci-contre).
Nous remercions M. Peter Bowron, M. Christophe Leribault et M. Olivier Michel pour l’aide qu’ils nous ont apporté à la rédaction de la notice de ce tableau.