Jean-Marc Nattier, Portraits de l’épouse et des enfants de l’artiste
Jean-Marc Nattier (1685-1766)

Portraits de l’épouse et des enfants de l’artiste, 1730-1750

Pierre noire et sanguine sur papier, H. 140 mm ; L. 115 mm

Ancienne étiquette au verso : Copenhague 1935 l’art français au XVIIIe siècle prêteur Madame Tuffier /Nattier/Famille Nattier/n°19

Provenance : Probablement collection de Madeleine-Sophie Challes, fille de Nattier
Vente de la collection du comte Jacques de Bryas, Paris, Galerie Georges Petit, Me Chevallier, 4-6 Avril 1898, no. 126 : « La Famille de l’artiste. Portraits en buste de Mme Nattier et de ses enfants : Mmes Tocqué, Brochier, Challe, Mlle Sophie et leur frère. Six charmants dessins à la sanguine et à la pierre d’Italie, de la plus remarquable finesse. »
Acquis à cette vente par [Henri] Haro pour 7000 francs
Collection P.[ion] Decourcelle
Collection Dr. Théodore Tuffier (1857-1929) en 1909
Collection Madame Tuffier en 1935

Bibliographie :

Gaston Brière, « Catalogue critique des œuvres d’artistes français réunies à l’Exposition de cent portraits de femmes du XVIIIe siècle, ouverte à la salle du Jeu de Paume des Tuileries (avril-juillet 1909) », Bulletin de la société de l’histoire de l’art français, 1909, p. 142, cat no 116.

Ces six dessins à la sanguine et à la pierre noire représentent la femme et les enfants de l’artiste. Nattier commence à les réaliser vers 1730, au moment où il entreprend à peindre son grand portrait de famille conservé aujourd’hui au musée national de Versailles (1))), qu’il n’achèvera qu’en 1762. Sur cette toile, il s’est représenté aux côtés de sa jeune femme et de ses quatre enfants dans un décor raffiné.

L’épouse de l’artiste

Au centre en haut est placé le portrait de l’épouse de l’artiste, Marie-Madeleine de La Roche. Lors de leur mariage en 1724, elle a seulement 16 ans, Jean-Marc Nattier 39 ans. Marie-Madeleine est la fille de Pierre de La Roche, ancien mousquetaire du roi et de Marie-Anne Levasseur. La jeune épouse « réunissait en elle tout ce que les talents, la beauté, la jeunesse et les grâces peuvent avoir de séduisant » (2)8.)). Elle aime la toilette et se pare volontiers de robes de soie, de satin ou de perse ancienne. Musicienne, elle joue du clavecin, comme le montre le portrait de famille des Nattier de Versailles. Si l’on croit Madame Tocqué, la première biographe de Nattier, ils ont neuf enfants (3))), dont quatre atteignent l’âge adulte. Madame Nattier meurt en 1742.

La fille aînée : Marie-Catherine-Pauline Nattier (Madame Toqué)

La seule étant représentée deux fois dans cet ensemble, en haut à droite et au milieu en bas, c’est Marie-Catherine-Pauline Nattier, future Madame Toqué. Née le 27 juillet 1725, elle est le premier enfant du couple. Elle se marie le 7 février 1747 avec le portraitiste Louis Tocqué, élève de son père.

L’inscription sur le montage en bas au centre est erronée ; il ne s’agit pas de Madeleine-Sophie future Madame Challe. Déjà en 1898, le catalogue de la vente de la collection du comte Jacques de Bryas, montre cette confusion : « La Famille de l’artiste. Portraits en buste de Mme Nattier et de ses enfants : Mmes Tocqué, Brochier, Challe, Mlle Sophie et leur frère. (…) » Pourtant, ce portrait est en lien direct avec celui de Marie-Catherine-Pauline dans le portrait de famille de Versailles. Comme la fille aînée partage les goûts musicaux de sa mère, Nattier la représente tenant dans ses mains une partition musicale. Elle héritera d’ailleurs de l’instrument représenté sur le tableau de Nattier, fabriqué par le célèbre Dumont.

Indulgente et tendre, Marie-Catherine-Pauline vouera à son père une admiration qui l’amènera à écrire, plus tard, une histoire abrégé de la vie du peintre. Cochin donne lecture de ce texte dans l’assemblée générale de l’Académie le 7 février 1767 (4))). Par ailleurs, il semble qu’elle ait collaboré, pour les accessoires ou les paysages d’arrière-plan, à certains portraits peints par son père.

Charlotte-Claudine Nattier (Madame Brochier)

En haut à gauche se trouve le portrait de Charlotte-Claudine Nattier future Madame Brochier. Née en 1730, elle épouse l’avocat et diplomate François-Philippe Brochier en 1754. Ce portrait est à rapprocher d’un portrait peint par Nattier en 1758 (5))).

Madeleine-Sophie – Mme Challe

En bas à gauche de notre ensemble se trouve le portrait de la plus petite sœur, Madeleine-Sophie, future Madame Challe. Née en 1734, elle épouse en 1763 le peintre Michel-Ange Challes. Elle meurt en 1814.


Jean-Frédéric-Marc Nattier

En bas à droite est positionné le portrait du fils du peintre, Jean-Frédéric-Marc Nattier qui naît le 12 avril 1734. Le jeune homme avait donné de grandes espérances dans le domaine de la peinture. Mais, envoyé par son père à Rome afin de parfaire son éducation artistique, il se noya dans le Tibre en juin 1754.

Historique

Cet ensemble de six dessins provient probablement de la collection de la plus jeune fille des Nattier, Madeleine-Sophie Challes. Dans son testament, elle indique « (…) un petit cadre noir et or renfermant sous verre six têtes de la famille dessinées par mon père (…), un grand cadre renfermant sous verre huit têtes de la famille et d’amis. » (6)6.)) Il est fort probable que notre ensemble corresponde à celui cité en premier dans l’inventaire de Madeleine-Sophie Challes (7)).)). Ces dessins faisaient ensuite partie de la collection du comte Jacques de Bryas. Lors de la vente de cette collection, ils sont acquis par Henri Haro, marchand de tableaux et expert en ventes publiques. Par la suite ils appartenaient à Monsieur P.[ion] Decourcelle, avant de rejoindre la collection du Dr. Théodore Tuffier (1857-1929), au plus tard en 1909. Pionnier et spécialiste dans le domaine pulmonaire, il a notamment opéré Georges Clemenceau et le maréchal Maunoury. Conseiller municipal de Louveciennes, puis maire, il avait pour voisin le maréchal Joffre.

  1. Jean-Marc Nattier, Jean-Marc Nattier et sa famille, 1730-1762, huile sur toile, H. 1,43 m ; L. 1,63 m, Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon.[]
  2. Philippe Renard, Jean-Marc Nattier (1685-1766). Un artiste parisien à la cour de Louis XV, Saint-Rémy-en-l’Eau, 1999, p. 48.[]
  3. Xavier Salmon, cat. exp. Jean-Marc Nattier, 1685-1766, Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon, 26 octobre 1999 – 30 janvier 2000, p. 302.[]
  4. Xavier Salmon, cat. exp. Jean-Marc Nattier, 1685-1766, Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon, 26 octobre 1999 – 30 janvier 2000, p. 312.[]
  5. Jean-Marc Nattier, Portrait de Madame François-Philippe Brochier, née Charlotte-Claudine Nattier, 1758, huile sur toile, H. 0,55 ; L. 0,45 m, Vente Artcurial, 14 novembre 2017, lot 498[]
  6. Philippe Renard, Jean-Marc Nattier (1685-1766). Un artiste parisien à la cour de Louis XV, Saint-Rémy-en-l’Eau, 1999, p. 166.[]
  7. Des copies ou répliques de certaines d’entre elles sont passées en vente publique en 2004 (Me Aguttes, le 7 décembre 2004, n°11-12-14).[]
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