Vue de la villa Médicis à Rome, vers 1864
Huile sur panneau, H. 0.52 m ; L. 0.91 m
Signé et localisé en bas à droite : A Benouville Rome
Provenance : Collection privée, France
En toute transparence
La sensibilité pleine de fraîcheur d’Achille Benouville s’allia à une grande élégance de la touche et une savante construction de l’espace. Par son exceptionnelle intuition de la transparence de l’air, son art sut à la fois se démarquer et séduire.
Ce vaste jardin planté de pins, de cyprès et de chênes verts sur le mont Pincio à Rome est celui de la villa Médicis, dont on aperçoit ici la façade principale. Ce palais appartint à la famille des Médicis du XVIe au XVIIIe siècle. En 1803, quand Napoléon Bonaparte y transféra l’Académie de France à Rome, la villa et ses jardins étaient dans un triste état et durent être restaurés pour accueillir les lauréats du prix de Rome dont le séjour s’y déroule encore aujourd’hui.
De multiples voyages
Achille Benouville (1815-1891) est formé avec son frère cadet Léon (1821-1859) par Léon Cogniet (1794-1880), défenseur du romantisme, et par François Édouard Picot (1786-1868), représentant de l’école post-davidienne. Tout en poursuivant sa formation à Paris, il fait de nombreux voyages en Franche-Comté, en Suisse et en Italie. En 1843 et 1844, il partage pendant plusieurs mois son atelier romain avec Corot. Il expose pour la première fois au Salon de 1834 et continue à y participer régulièrement jusqu’à la fin de sa vie. En 1863, il obtient une médaille de première classe et devient chevalier de la Légion d’honneur.
À l’écart des courants
En 1845, les deux frères remportèrent le Grand Prix de Rome, organisé tous les quatre ans seulement – Léon, celui de la peinture d’histoire, Achille celui du paysage historique. Ce séjour à la Villa Médicis est fondamental pour lui et, à la fin de son pensionnat en 1851, tandis que son frère retourne en France, il s’installe dans la ville éternelle, épousant une Française domiciliée à Rome. Environ dix ans plus tard, il est abandonné par sa jeune femme avec leurs trois enfants, que la grand-mère maternelle recueillera ensuite. Son établissement prolongé à Rome, jusqu’en 1871, a des conséquences décisives sur son art. Il reste à l’écart des évolutions de l’art paysagiste français entre 1850 et 1871, qu’il s’agisse de la veine réaliste développée avec Courbet ou bien celle rustique apparue autour de Barbizon. L’artiste développe un goût pour la peinture italienne transposée en des paysages légèrement stylisés, où la modernité s’affirme dans la modulation délicate de la lumière. Benouville, dont les compositions révèlent une science consommée de la perspective et de l’espace, intègre alors avec Paul Flandrin la troisième génération des néo-classiques.
Des compositions savantes
Les nombreux dessins réalisés sur le motif pendant ses voyages en France comme en Italie montrent son attachement profond à l’étude de la nature pour elle-même. Ce goût est tempéré par une grande connaissance et une assimilation subtile de la peinture classique italienne. Benouville fait preuve d’un métier exigeant, d’une pureté d’exécution, d’une facture vive et spontanée, d’une grande élégance de touche et d’un modelé subtil. Sa lumière est délicate et il montre un sens raffiné des valeurs, ses tons sont riches et modulés. L’originalité de Benouville se manifeste particulièrement par une exceptionnelle intuition de la transparence de l’air, particulièrement sensible avec le ciel clair de notre tableau. Proche de Caruelle d’Aligny et surtout des grands paysages historiques de Corot, c’est par une sensibilité pleine de fraîcheur que Benouville nous séduit.