Vue du Panthéon, Rome
Ippolito Caffi (1809-1866)

Vue du Panthéon, Rome, Vers 1840

Huile sur papier marouflé sur toile., H. 0.23 m ; L. 0.3 m

Provenance : Edmondo di Robilant, Londres, 2004
Collection privée, Italie

Après un bref apprentissage entre Belluno et Padoue, Ippolito Caffi s’installe à Venise en 1827 où il entreprend une formation artistique plus rigoureuse qu’auparavant, étudiant la perspective sous Tranquillo Orsi (1771-1845). En 1832, il quitte la ville des canaux pour Rome où il établit un atelier et se consacre à la peinture de vedute, où la persistance d’un goût dix-huitième siècle pour la perspective canalettienne est évidente.

Grâce à cette étude intense de la tradition qui lui précède, Ippolito Caffi connaît un succès notable jusqu’en 1848, date à laquelle il quitte Rome pour enrôler dans la guerre contre l’Autriche. Les années suivantes sont troublées par une période en prison, la fuite et l’exil, que œuvre rappelle fortement en termes de thème traités (par exemple l’Explosion d’une bombe dans un lagon, Venise, Museo del Risorgimento). A la suite de son retour à Rome en 1855, Caffi créé des œuvres parmi les plus importantes de sa carrière, tels Vue de Rome depuis le Pincio (collection Noferi, Florence) et le Colisée éclairée par les feux de Bengale (Ca’Pesaro, Venise). A partir de 1858, le statut de Caffi comme patriote devient encore plus dangereux à cause de la situation politique agitée ; encore ses peintures témoignent de ce moment de bouleversement, avec des vedute d’un caractère socio-politique qui montrent le progrès de Garibaldi et la création d’une Italie unifiée, tels L’arrivée de Vittorio Emanuele à Naples (Ca’Pesaro, Venise) et Sur le Volturno.

Lors du déclenchement de la guerre contre l’Autriche en 1866, Caffi quitte encore une fois le calme de son atelier romain pour suivre les événements militaires comme artiste de guerre. Il meurt à Lissa en juillet 1866 pendant le naufrage du « Re d’Italia », un navire de guerre sur lequel il embarque pour représenter les évènements de la troisième guerre d’indépendance.

Notre tableau – une vue diurne de la piazza Rotonda avec la façade du Panthéon et la fontaine du XVIe siècle, œuvre de Giacomo della Porta – s’inscrit dans la phase romaine de l’œuvre de Caffi, caractérisée par une palette vigoureuse et des contours flous libérant ses peintures de la tradition XVIIIe siècle des vedute, lui permettant d’aboutir à un plus grand dynamisme et intensité. Alors que les tableaux exécutés par Caffi pendant d’autres périodes de sa carrière sont caractérisés par une vision claire et sereine, une proximité de la vie et une sensibilité pour les effets de lumière et de couleur, ce sont lors les thèmes romains repris des douzaines de fois que le peintre réussi à outrepasser l’approche optique transmis de Canaletto, créant des scènes d’une grande puissance émotive et suggestive.

Sur ce tableau, Caffi choisit une vue classique romaine, très souvent reproduite depuis le milieu du XVIIIe siècle, modifiant peu le prototype canalettien. L’énorme masse du Panthéon domine le centre de la composition, légèrement chevauchée par l’obélisque de la fontaine de la Piazza della Rotonda et parfaitement cadré par les façades des immeubles voisines. A la différence de nombreuses autres vedute du XVIIIe siècle, l’accent est mis sur la foule de passants, des lavandières et des mendiants qui animent la place, décrivant avec grande spontanéité la vie quotidienne d’un après-midi romain. La fraîcheur de cette scène informelle et la luminosité chaude qui emplit la place s’opposent à la sévérité de la Ville Eternelle et ses monuments, la masse énorme du Panthéon enveloppé dans l’ombre de manière sinistre. Baigné d’une lumière oblique venant du couchant, les vestiges de la Rome impériale apparaissent étrangement immobiles ; la place est un lieu de culture, d’art et d’échange commercial, fournissant une plateforme impassible autour de laquelle évoluent les évènements d’une journée. Il s’agit d’un témoignage de la vie qui l’entoure, communicant un sens de l’éternité de l’art et de la fugacité du temps.