L’abreuvoir, Vers 1763-1765.
Huile sur toile, H. 0.515 m ; L. 0.63 m
Provenance : Collection de Madame de Saint-Sauveur ; sa vente, Paris, 12 février 1776, no. 53
Collection de Randon de Boisset ; sa vente, Paris, 27 février 1777, no. 230, acquis 1 650 livres par Mercier
Vente anonyme, Paris, 23 mai 1780, no. 40, pour 800 livres
Probablement collection du comte de Choiseul Gouffier, vers 1783
Collection du duc de Choiseul ; sa vente, Paris, 10 décembre 1787, no. 67, acquis 610 livres par Dulac
Vente anonyme, Paris, 8 juillet 1793, no. 14
Collection de Laperlier ; sa vente, Paris, 11-13 avril 1867, no. 33
Collection d’Hippolyte Walferdin ; sa vente, Paris, 3 avril 1880, no. 14
Collection de Madame Charles Kestner
Collection de G. de Lauverjat
Collection d’Arthur Vieil-Picard
Collection privée, Suisse
Collection privée, New York.
- Le Journal de Paris, 25 mars 1777, no. 84, p. 2, no. 230.
- Edmond et Jules de Goncourt, Fragonard, Paris, 1865, p. 339.
- Le Hir, « Compte-rendu de la vente du 11-13 avril 1867 », Journal des amateurs d’objets d’art et de curiosité, 1867, p. 128.
- Roger Portalis, Honoré Fragonard, sa vie, son oeuvre, Paris, 1889, p. 127, 269, 289.
- Pierre de Nolhac, J.-H. Fragonard, 1732-1806, Paris, 1906, p. 140.
- Georges Wildenstein, « L’Exposition Fragonard au pavillon de Marsan », Revue de l’art français, no. 7, juillet 1921, p. 20.
- Jacques Wilhelm, « Fragonard as a Painter of Realistic Landscapes », Art Quaterly, no. 11, Fall 1948, p. 302.
- Louis Réau, Fragonard, Paris, 1956, p. 183, 186.
- Georges Wildenstein, The Paintings of Fragonard, Aylesbury et Paris, 1960, p. 226, no. 126 (fig. 78).
- Jacques Thuillier, Fragonard, Genève, 1967, p. 71-72.
- Daniel Wildenstein et Gabriele Mandel, L’opera completa di Fragonard, Milan, 1972, p. 93, no. 158, fig. p. 92.
- Jean-Pierre Cuzin, Jean-Honoré Fragonard, Vie et oeuvre, Catalogue complet des peintures, Fribourg, 1987, p. 279-280, no. 110, p. 280.
- Pierre Rosenberg, Fragonard, New York, 1988, p. 195, no. 92, repr. p. 196.
- Pierre Rosenberg, Tout l’oeuvre peint de Fragonard, Paris, 1989, p. 86, no. 131, repr.
Fragonard est l’élève de Jean Siméon Chardin puis de François Boucher, avant de recevoir le Prix de Rome en 1752. Il devient pensionnaire à l’École royale des élèves protégés les années suivantes, puis à l’Académie de France à Rome à partir de 1756. A Rome, Fragonard subit l’influence d’Hubert Robert avec lequel il travaille beaucoup, et commence à se consacrer au dessin de paysages, encouragé par son premier mécène, l’abbé de Saint-Non. Une visite à la villa d’Este à Tivoli durant l’été 1760 eut un effet décisif sur son évolution artistique.
Lors de son retour à Paris en 1761, Fragonard entreprit une série de paysages dans le goût des peintures hollandaises du XVIIe siècle, témoignant de l’impact direct de cet art sur l’esthétique d’alors, et dont L’Abreuvoir constitue une magnifique illustration. L’admiration de Fragonard pour Jacob van Ruisdaël, dont l’influence est ici évidente, a déjà été mise en lumière. C’est ainsi que Fragonard use d’un artifice équivalent, à savoir l’effet produit par les nuages denses et parfois menaçants, qui font écho au terrain accidenté et aux silhouettes des arbres. L’artiste y adjoint des figures champêtres, souvent parées de rouge vif, ainsi que des animaux se désaltérant. Aussi, loin des imitations serviles, Fragonard réinterprète le style de ses prédécesseurs selon la sensibilité du dix-huitième siècle dont il est le chantre incontournable.
Le très probable voyage hollandais de Fragonard est encore au centre de tous les débats. Cependant, il ne lui était pas nécessaire de se rendre aux Pays-Bas pour y puiser son inspiration. Les collectionneurs français de la seconde moitié du XVIIIe éprouvaient en effet une attirance particulière pour les paysages hollandais du XVIIe, et quelques uns des chefs-d’œuvre de cet art se trouvaient en leur possession. Ce fut notamment le cas de Pierre-Louis-Paul Randon de Boisset, Contrôleur Général des Finances, éphémère propriétaire de notre tableau, qui réunit l’une des plus importantes collections parisiennes du XVIIIe siècle, riche d’une centaine de toiles flamandes, et que Fragonard put avoir l’occasion d’admirer.
L’Abreuvoir a le plus souvent été associé à un œuvre sensée lui faire pendant, Le temps orageux, qui appartint au comte de Choiseul Gouffier (Une gravure d’après cette toile fut réalisée par Jean Mathieu lorsqu’elle était dans cette collection). Le comte prêta en effet deux « paysages animés de figures et d’animaux » au Salon de la Correspondance en 1783, qui coïncideraient selon les spécialistes à L’Abreuvoir et au Temps orageux. De plus, les versions aquarellées étaient conservées ensemble dans la collection du Marquis de Lagoy en 1800, et leur association suggère une complémentarité entre ces deux compositions. Une autre toile intitulée Le Rocher a également été citée comme un hypothétique pendant. Les deux peintures se trouvaient dans la collection Walferdin, et, bien que vendues séparément, furent à nouveau réunies dans les collections Lauverjat et Veil-Picard.