Cléopâtre et César, Vers 1866.
Huile sur toile, H. 0.31 m ; L. 0.23 m
Provenance : Aimé Morot (1850-1913), beau-fils de Gérôme.
Madame Huisse, Rouen, 1970.
Schweitzer Gallery, New York, 1970.
Collection privée, France.
Gerald M. Ackerman, Jean-Léon Gérôme. Monographie révisée. Catalogue raisonné mis à jour, Paris, 2000, p. 258, no. 159.2.
L’authenticité de notre tableau a été confirmée par Gerald Ackermann.
Jean-Léon Gérôme est l’un des peintres français les plus célèbres de son temps. Professeur à l’Ecole des Beaux-Arts, Gérôme s’oppose avec acharnement aux Impressionnistes et devient symbole de l’académisme. Longtemps regardé comme réactionnaire, l’artiste a été réhabilité par les travaux pionniers du professeur Gerald Ackerman au cours des années 1970-1980.
L’artiste intègre à l’âge de seize ans l’atelier du peintre d’histoire Paul Delaroche, alors au faîte de sa renommée, et dont les principes marquent durablement l’œuvre du jeune artiste. Il complète sa formation par un voyage en Italie, avant de suivre l’enseignement de Charles Gleyre, figure majeure de l’art pompier. En 1847, Gérôme remporte un vif succès au Salon grâce à son tableau de style néo-grec, Jeunes Grecs faisant battre des coqs dit aussi Un combat de coqs (Paris, Musée d’Orsay), et qui lui valut de remporter une médaille de troisième classe, augurant des nombreux honneurs de sa carrière future.
Dès 1853 Gérôme entreprend de nombreux voyages, et c’est en 1856 qu’il découvre l’Egypte. Fasciné par l’Orient, il fait des voyages au Moyen-Orient en 1862, 1868, 1871, 1872 et 1874, et il visite Constantinople et l’Asie-Mineur en 1871 et 1875. Le développement de la photographie lui permet de constituer un fond de vues.
Ses nombreux tableaux orientalistes révèlent la fascination qu’avait Gérôme pour l’architecture arabe. Par ailleurs, ses représentations orientales demeurent fidèles à la vision orientaliste de son époque, où se mêlent sensualité et violence. Grâce à l’exactitude que lui confère sa manière précise, elles apportent au fantasme de l’Orient l’estampille de l’authenticité.
Notre tableau est préparatoire à Cléopâtre et César, peint par Gérôme en 1866. Il représente la version romanesque de la première rencontre de César et Cléopâtre selon le récit de Plutarque. La jeune reine de dix-huit ans, chassée de son palais par les intrigues de ses frères, était décidée de convaincre César de la rétablir sur le trône. Pour accéder à César de façon inaperçue, Cléopâtre se glissait dans un paquet de couvertures et se faisait porter par son ami Sicilien Apollodore jusqu’à lui. César était captivé par la hardiesse, par la conversation et le charme de la jeune reine.
L’œuvre a été commandée par la marquise de Païva, l’une des plus fameuses courtisanes de l’époque, pour la demeure luxueuse qu’elle venait de construire sur les Champs-Elysées. Finalement refusé à la livraison, le tableau est par la suite acheté par Adolphe Goupil, le beau-père de l’artiste.
A ce jour, nous connaissons deux esquisses à l’huile (dont notre tableau), ainsi que trois dessins préparatoires de la composition et deux études dessinées de figures, l’une de la tête de Cléopâtre et l’autre de son ami Apollodore. Dans la première pensée, dessin préparatoire conservé au musée Georges Garret à Vesoul , Gérôme nous montre César de pied, se précipitant pour relever Cléopâtre encore à terre. Un dessin tout à fait similaire, avec une partie de l’architecture du fond tracée à la règle, a été présenté par la galerie Paul Prouté en 1987. Une première esquisse à l’huile reprend également cette disposition. Un autre dessin de la composition montre Cléopâtre debout, élégante et souveraine, face à César qui par stupéfaction reste comme cloué à son siège. Notre esquisse à l’huile montre Cléopâtre également debout, et César restant immobile, dans la même position que dans le dessin. Tandis que dans le tableau final, César, toujours assis mais d’une attitude plus tonique, trace un mouvement de stupéfaction de sa main gauche.
Le fond architectural est une copie fidèle d’une planche coloriée de la Description de l’Egypte montrant le petit temple de Deir el Medineh. Dans le tableau final, ce fond se trouve inversé, ce qui permet de donner une réplique formelle à la figure de Cléopâtre par la colonne derrière. Les costumes des figures, surtout la jupe fendue de Cléopâtre et la coiffure d’Apollodore (à mi-chemin entre le némès pharaonique et le voile des bédouins) sont fruit de la fantaisie de l’artiste et reflètent une Egypte imaginaire.